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Méthodologie

Vendredi 19 mai 2006

Comment étudier les images dans une perspective sociohistorique ?

Myriam Tsikounas, professeur en sciences de l'information et de la communication, Paris 1

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L’étude des images, fixes ou mobiles, exige une triple approche (production, réception, visionnement) faisant intervenir des méthodes et des disciplines complémentaires. Il s’agit d’abord d’interroger les conditions dans lesquelles les œuvres ont été produites, c’est-à-dire de chercher à comprendre, dans une perspective sociologique, quelles contraintes, à la fois externes et internes, ont pesé sur les créateurs. Les représentations sont, en effet, aussi bien soumises aux limites technologiques (la sensibilité des plaques de verre en photographie, le poids de la caméra au cinéma) de leur époque que dépendantes des moyens financiers dont disposent leurs auteurs (la durée et les modalités de tournage de la télévision ne sont pas celles du cinéma…). D’autres intervenants contribuent à leur niveau au filtrage et au façonnement des images : les commanditaires (aux exigences distinctes), les acteurs (dont le pouvoir découle de leur popularité), les censeurs (aux visages multiples et qui suscitent également une auto-censure chez les professionnels)… Ainsi, le produit fini apparaît-il comme le résultat complexe d’un faisceau de forces souvent divergentes dont il faut restituer l’histoire des tensions (modifications, oublis…) avec l’aide de toutes les archives papier afférentes. Sans omettre que toute création est aussi affaire d’héritages, de refus et de concurrences, les artistes composant leurs images en fonction de leurs congénères et de leurs prédécesseurs.

L’examen de la réception des images pose une question plus difficile. On peut en trouver la trace dans les documents eux-mêmes tant il est vrai qu’on fabrique généralement une œuvre en fonction des attentes supposées de son public (les courriers des spectateurs incitant les producteurs de feuilletons « fleuves » à remanier des épisodes ou une conclusion). Si, à la suite des travaux de Michel de Certeau (L'Invention du quotidien), le destinataire est aujourd’hui considéré comme un partenaire actif, les images ne nous renseignent pas pour autant sur la façon dont celui-ci se les approprie. Pour essayer de s’en approcher, il faut d’abord s’attacher à la restitution du cadre perceptif dans lequel les images ont circulé et ont été vues en tenant compte de leurs altérations ultérieures (restaurations, rhabillages et recadrages d’images, reconfigurations de génériques et modifications de bandes-son) et en rappelant non seulement le répertoire d’images  mais aussi les différents contextes (social, religieux, économique) contemporain de leur accueil. L’analyse des réceptions décalées met en évidence l’attention qu’il faut prêter à l’environnement socio-historique dans lequel les images sont montrées (comme l’explique Sylvie Lindeperg à propos des sorties de La Grande Illusion de Jean Renoir avant puis après la Seconde Guerre). Enfin, outre le recours aux sources permettant de connaître l’opinion du public (les statistiques et les enquêtes, les témoignages oraux et les courriers), il faut se demander comment le regard du spectateur a été canalisé, orienté, par ce que Gérard Genette nomme les Seuils du récit : le rôle joué par la critique professionnelle dans l’appréciation des messages, l’impact des affiches et de la publicité faite autour des œuvres sur les audiences…

Si l’intérêt pour les conditions de production et de réception éclaire le sens des images, il ne doit pas éclipser les spécificités de leur expression. Les règles de lecture mises au point par l’historien d’art, le sémiologue ou le narratologue mettent ici en lumière les régimes de significations propres aux différents supports visuels. Tant qu'il n'y a pas de prise en compte de la forme, il ne peut y avoir un usage fécond des images car elles sont spécialement polysémiques. Elles ne fournissent pas des témoignages directs (perspective erronée où l’image ne serait que déduite d’un contexte), mais permettent de pratiquer une « contre-analyse de la société » (Marc Ferro), c’est-à-dire de repérer des « lapsus », des décalages entre ce qu'une société pense être, ce que les artistes croient révéler d’elle dans leur peinture, photo ou film et les messages qu'ils délivrent vraiment. Enfin, au vu de la difficulté à traduire en phrases une somme d’impressions visuelles ou audiovisuelles et du risque d’impressionnisme que cela engendre, l’analyse des images nécessite de travailler à partir de corpus conséquents, au sein desquels on peut naviguer à l’aide d’une grille de lecture attentivement élaborée tout en interrogeant les images dans leur diversité.

Ce n’est qu’en restituant les différentes phases de leur processus de signification (production, réception, médiation) et en les confrontant les unes aux autres par un brassage dans tous les sens que les images s’intègrent pleinement à la perspective historique.

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bibliographie

"Images exportées de la révolution bolchévique", in Jacques Girault (dir.), Des Communistes en France, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, pp. 23-36.

"Les images publicitaires pro-alcool depuis la loi Évin et leurs effets sur le destinataire, principalement sur les jeunes adultes" avec Thierry Lefebvre, Jacqueline Freyssinet-Dominjon et Anne-Catherine Wagner", in La Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, Paris, Commissariat général du Plan/ La Documentation française, fév. 2000, pp. 297-319.

"Le Cuirassé Potemkine", in Cinquante films qui ont fait scandale, CinémAction, 103, 2001, p. 21-25.

"À l'écran les bidonvilles...", in Les Ouvriers en banlieue, Paris, éd. de l'Atelier/Créaphis, avril 1998, pp. 262-277.

Les origines du cinéma soviétique: un regard neuf, Paris, Cerf, 1992.


Le colloque le pouvoir en images, représenter la puissance politique en Afrique s'est tenu les 19 et 20 mai 2006 au centre Malher à Paris. Il a été organisé par : spacer.gif Camille Lefebvre, M'hamed Oualdi et Estelle Sohier, spacer.gif avec le soutien : menu-droite_09.jpg du CEMAf menu-droite_11.jpg de l'AUF menu-droite_13.jpg de l'école doctorale d'Histoire de Paris1 et du Bonus Qualité Recherche de Paris 1

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